L'école secondaire catholique La Citadelle de Cornwall est le fruit de l'effort collectif et courageux d'une minorité qui ne veut pas mourir. Elle fut enfantée dans la douleur au milieu de combats, de trahisons et de confrontations, traits qui semblent être le lot de toute école française qui veut naître à l'intérieur des cadres du système scolaire public ontarien. Elle devint réalité grâce aux efforts d'un grand nombre de chefs francophones que la divine Providence semble susciter au moment opportun.
Afin de rendre justice à nos prédécesseurs, il est bon de souligner certains faits qui ont précédé la création de notre école. L'école secondaire Saint-Laurent qui devint plus tard l'école secondaire La Citadelle fut créée au tout début (1950) pour satisfaire la clientèle scolaire du canton de Cornwall, qui englobait la ville, en majorité de langue française.
Cette école vit le jour grâce aux efforts de M. Laurier Carrière, inspecteur des écoles dites bilingues, qui à cette époque veillait au bien-être des nôtres. C'était un premier pas mais on était encore loin de ce que nous avons aujourd'hui. Le 2 juin 1965, on pose un geste timide en permettant l'enseignement en français de la géographie et de l'histoire. En 1968, l'année précédant la régionalisation des conseils scolaires, un groupe de personnes composé de Mlle Jeannine Séguin, Messieurs Clément Charette, Robert Brault, Bernard Bertrand, Rhéal Martel, Jules Renaud et les Pères Bernard Guindon et C-.E. Claude se présentent devant le Conseil d'éducation de Cornwall et demandent que l'école secondaire Saint-Laurent soit déclarée école française et lui proposent un plan pour le réaliser. Le Conseil adopte le principe de l'école de langue française mais n'agit pas davantage préférant attendre la régionalisation du Conseil de Stormont, Dundas et Glengarry. Nous savons tous ce qui advint de cette recommandation.
Avec l'adoption de la Loi 141 et la mise sur pied des comités consultatifs de langue française, la lutte s'amorce pour l'école secondaire française autonome à Cornwall. Le Conseil d'éducation accepte difficilement l'idée et le rôle du comité. Il n'est pas surprenant que Messieurs Marcel Massé, Paul Rouleau, Claude Corbeil, Bernard Bertrand, etc. s'épuisent inutilement à appuyer les demandes des conseillers scolaires Albert Morin, Gérard Gauthier, Jean-Guy Gauthier, Jean Guindon et Gérald Desjardins. Le Conseil ne bouge pas. La solution viendra d'une autre direction et d'une façon imprévisible.
En septembre 1970, l'école Saint-Laurent étant surpeuplée et aucune construction n'étant prévue pour les prochains deux ans dans les limites de la ville, le Conseil accepte le principe de créer deux écoles à l'intérieur du même édifice. Il établit donc un système à relais qui doit durer deux ans, le temps voulu pour obtenir la construction d'une nouvelle école secondaire dans l'est de la ville. Naturellement, il fallait choisir un moyen pour sélectionner les élèves et la solution idéale était de le faire selon la langue d'enseignement. Il fut donc décidé de créer Saint-Lawrence High School et l'école Saint-Laurent de langue française avec le même directeur responsable des deux écoles. En septembre 1972, on donne une administration distincte à la section française en nommant Mlle Jeannine Séguin, directrice, et M. Jules Renaud, directeur adjoint.
Au printemps de 1973, les choses se gâtent du fait que l'on veut prolonger la durée des relais, que rien n'est prévu pour indiquer quel groupe d'élèves serait déplacé et qu'un comité de Saint-Lawrence High School fait des pressions pour que le relais du matin demeure le même contrairement à ce qui s'est fait jusqu'alors. La pression monte et voilà que le gouvernement des élèves du relais français prend les choses en main, crée le « comité des huit », convoque une grande assemblée des organismes locaux et finalement déclare une grève le mercredi 14 mars 1973. Cette grève devait durer jusqu'à la création du comité d'enquête du professeur Thomas Symons qui entreprend ses travaux le 4 avril de la même année. Le comité des huit sous la direction de Roger Dubé et appuyé par la majorité des parents réussissent à forcer le gouvernement Davis à intervenir. Le rapport Symons est publié le 20 avril et rend justice à la populaiton locale. Le slogan: «Nous la voulons, nous l'aurons» se réalise à la grande joie des Francophones.
Il y a cependant une ombre au tableau. Le Conseil s'en prend aux professeurs pour satisfaire sa vengeance. Deux professeurs Jacques Boyer et Paul Bezozzi sont congédiés tandis que trois professeurs voient leur dossier noirci pour avoir, aux yeux des auteurs d'un rapport secret, participé de façon trop active à la grève des élèves du mois de mars précédent. Ce rapport avait été préparé par Messieurs les surintendants Arnold Kelley et John Comtois et remis au Conseil. Ce geste de la part du conseil provoqua la création d'un front commun franco-ontarien contre l'injustice, front commun regroupant l'AEFO, l'ACFO, l'AFCSO, l'API et la direction Jeunesse. M. Gérard Gauthier démissionna avec fracas à la suite du geste du Conseil.
Le 12 juin 1973, l'école reçoit le nom officiel de « La Citadelle » inspiré des écrits de Saint-Exupéry. Ce nom souligne ainsi le rôle que joue et jouera cette institution dans la région. La dédicace de l'école se fit le 30 mai 1975 au milieu d'un grand déploiement de personnalités telles que M. Thomas Wells, ministre de l'Éducation, M. Gérard Raymond, président du Conseil Supérieur de langue française et M. Jean-Paul Scott, surintendant et ardent défenseur des droits des Francophones, etc. Les fêtes de la journée de la dédicace et, particulièrement, la nuit de La Citadelle, événement culturel qui suivit la cérémonie officielle, attira plus d'un millier de personnes.
Depuis ces événements, l'école La Citadelle sous la direction de Mlle Jeanine Séguin, appuyée du directeur adjoint, M. Jules Renaud, et d'un personnel hautement qualifié et bien motivé, s'occupe chaque année d'une clientèle d'au-delà de mille élèves. L'école fourmille d'activités car, en plus de donner un enseignement solide, elle possède, dans le domaine du sport, des équipes de soccer, de volley-ball, de basket-ball, de gymnastique, de lutte et dans le domaine artistique, deux troupes de théâtre, une équipe de cinéastes, un groupe de concertistes, un orchestre de danse, un journal (l'Écho) et une revue annuelle (Le Rétro). Chaque année le gouvernement des élèves organise une journée culturelle à l'automne et un carnaval d'hiver en février. Il organise aussi des danses mensuelles. C'est une école dynamique et active, ouverte à toute la communauté française. Elle possède en plus un animateur de la pastorale à plein temps et des animateurs culturels.
Voici ce que M. Gilles Houde écrivait dans le journal Le Devoir du 25 juin 1977: «J'ai découvert à Cornwall une école francophone qui pourrait servir d'exemple à plusieurs de nos écoles secondaires du Québec. En effet, j'ai rarement vu une telle ambiance entre d'une part la direction et ses professeurs et, d'autre part, entre l'ensemble des cadres et les élèves. Plus de 1 000 élèves, filles et garçons, participent à une foule d'activités culturelles, sportives et sociales avec comme animateurs les titulaires de matières académiques. Ces derniers, en dehors des heures de cours, consacrent plusieurs heures par semaine, bénévolement, et avec enthousiasme, à promouvoir la « participation ».